Une journée électorale

Publié le par ind'épendante

Le renouvèlement des 227 councillors c’était donc le 16février 2012, et j’attendais ce jour depuis à peu près 3mois donc il n’était pas question de le rater. Au préalable j’ai réussi à obtenir un pass journaliste. C’est l’effervescence, les partis font campagne depuis à peu près un mois, et déjà des tensions se sont faites sentir.

Pour couvrir les 227 circonscriptions et plus de 2000candidats tout le journal fut mobiliser, ce qui m’a permis de me rendre compte que très peu d’entre eux sont en fait au courant de comment se passe réellement la vie politique au BMC (comme quoi même en étant Indien c’est compliqué de comprendre son système politique).

 


Petites histoires électorales :

Créer le scandale : comme le MNS n’hésitant pas à aller faire une action coup de poing en agressant (charbonner le visage) le proviseur d’une école qui ne faisait pas « respecter les normes des bus scolaire malgré le fait que le parti l’ait déjà averti ». Ils se prennent donc pour des justiciers pour faire le buzz, déchainant au passage les foudres du collège et aussi des habitants mais tout est bon pour faire paP1110303.JPGrler de soi.

 

Les candidats indépendants : Ce phénomène devient de plus en plus fréquent (même s’il reste toujours marginal) car les habitants ne font pas confiance à leurs élus et la corruption plane en permanence dans les esprits. Et même lorsqu’un candidat est indépendant (comme celui de ma circonscription, Colaba, Makarand Narwekar) celui-ci peu encore être accusé d’avoir des liens politiques en fouillant son passé ou les antécédents de sa famille (le frère du candidat de Colaba est un activiste du Shiv Sena).

Un programme : Prenons toujours l’exemple de M. Narwekar. J’ai trouvé qu’à part son atout de candidat indépendant il n’avait que peu de choses à proposer. Son programme reste très simpliste, et même moi j’aurais pu dire la même chose « nettoyer les rues et les trottoirs, mettre des poubelles, redonner à Mumbai l’aspect qu’elle avait il y a 50ans » J’aurais même rajouté faire un effort du côté de l’approvisionnement de l’eau, de l’électricité, désengorger le trafic… » Sa seule bonne idée était de « rendre le pouvoir décisionnel au peuple en créant des assemblées citoyennes pour que chacun prenne l’initiative, et instaurer une transparence et un lien entre l’élu et les habitants » (Toute similarité avec un candidat français au présidentiel dans cette dernière phrase est fortuite).

La journée électorale :

La veille de l’élection nous n’avions plus le droit de faire campagne pour qui que ce soit, ni le jour même, y compris dans les journaux, personne n’a le droit d’en parler, et il est interdit d’utiliser les réseaux sociaux et les SMS pour faire campagne pour son candidat.

Dans le bus des journalistes: Le lendemain, levée tôt, enfin, 9h, j’ai rendez vous à 10h30 devant le BMC, pour ensuite se rendre à Matunga, vers Dadar et les quartiers musulmans en dessous, une voiture arrangée par la mairie elle-même est mise à la disposition du groupe de journaliste pour nous permettre d’aller de bureau électoral en bureau électoral et de traquer le scoop et les pourcentages. Évidemment comme je n’ai pas de chance, rien de surprenant n’arrive sous mes yeux. Cependant nous recevons des SMS en continu (enfin Vishnou pas moi car mes amis indiens ne sont même pas allé voter !!) pour nous dire qu’il y a eu une bataille entre deux électeurs, puis qu’une célébrité n’était pas sur les listes électorales et n’a donc pas pu voter… il faut évidemment envoyer les autres reporters du journal dans ces zones vérifier l’information l’équipe du journal étant déployé sur la ville entière. Nous, nous sommes dans une zone « sensible » (ou pas, c’est juste que c’est le quartier musulmans) et Vishnou ne veut pas que je me perde de peur que notre boss le tue s’il m’arrive quoi que ce soit ! Moi je suis contente, à défaut d’avoir un scoop je vois enfin de plus près les magnifiques mosquées que j’apercevais depuis la voie rapide à chaque fois que je me rendais à Lower Parel. Elles valent vraiment le coup d’œil, dommage, pas d’appareil photo.

Trouver le bureau de vote: Tous les bureaux de vote se trouvent dans des écoles, et à tous les coins de rues vous trouvez des hommes assis à des tables avec des carnets remplis de photo, nom, adresse qui sont en fait postés là pour vous aider à trouver votre bureau de vote. Non vraiment, je trouve que pour ne pas voter ce jour là il fallait s’en désintéresser car c’est extrêmement bien organisé. Des policiers sont aussi postés tous les 5metres pour assurer la sécurité. Le premier bureau de vote est presque vide (nous sommes dans une zone sensible), les autres ont atteint les 30% de participation vers 13h. Certaines personnes n’ont pas pu voter car elles n’étaient pas enregistrées. Les indiens votent par machine. Les femmes et les hommes votent séparément (pas de pression du mari donc) et les partis politiques ne sont pas admis à l’intérieur. Cependant des enquêtes révèlent que certains partis ont offerts aux employés qui n’avaient pas le droit de s’absenter de leur travail pour aller voter (pourtant la loi les y oblige) de leur rémunérer leur journée de travail perdue. D’autres ont apprêté des voitures pour permettre à ceux travaillant trop loin de leur bureau de vote de s’y rendre. Toutes les manœuvres étaient bonnes. Mon petit scoop de la journée, un bureau de vote a été installé dans un temple bouddhiste, tous les votants devaient retirer leurs chaussures avant de rentrer dans le bureau de vote (et voila un bon exemple de contradiction avec le sécularisme normalement de rigueur le jour des élections).

 

Le vote:

Voter blanc: Cette année un grand scandale a éclaté juste avant les élections et a été porté trop tard devant la cour de justice : les personnes voulant voter « blanc » devaient remplir un formulaire donc déclarer leur intention de ne voter pour personne publiquement car aucun bouton n’était prévu sur la machine et que le nombre de signature doit correspondre avec le nombre de vote enregistrer bien évidemment. De plus beaucoup n’étaient même pas au courant de la procédure et se retrouvaient à devoir voter pour un candidat car ils avaient déjà signé le registre.

A voté! L’habituelle marque à l’encre sur le doigt pour être sur qu’une personne ne puisse revoter deux fois (pourtant je vous jure qu’ils ont des listes et des cartes d’électeurs mais ça ne doit pas suffire) a été remplacée par une marque au feutre indélébile (que nous avons testée : ni un doigt enduit au préalable d’une crème hydratante, d’huile, de jus de citron ne permet de faire partir la marque plus facilement, ni même l’acétone et tout autre produit dissolvant). Le doigt a également changé après la polémique des doigts d’honneurs montrés par les célébrités pour montrer qu’ils avaient voté aux précédentes élections (quelle idée aussi de décidé que la marque devait être faite sur le majeur).

Comment votent les aveugles : Cette année la machine avait été prévue pour que des inscriptions en braille permettent aux aveugles de voter (on n’en a malheureusement pas trouvé pour leur demander ce qu’ils en avaient pensé).

 Concernant les illettrés maintenant qui représentent une part bien plus grande d’électeurs :

Les partis font des campagnes très actives et pas forcément par tract car ils savent très bien que le message ne passe pas par l’écrit. Ex : le MNS est venu frapper à toutes les portes du quartier dont la mienne ; de grandes fêtes et défilés se font dans la rue tous les jours ; des réunions politiques sont organisées dans les squares, des événements culturels sont financés par les partis dans l’année, des affiches sont partout dans les rues etc. Le MNS a même mis une locomotive géante (son symbole) devant le BMC au milieu de la circulation (intelligent !), pendant que le Shiv Sena se faisait sermonner pour avoir accroché un chandelier géant tjrs en place un mois après Diwali (ils sont même venus crier au bureau car nous l’avions dénoncé dans un article).

Ainsi chaque parti, pour se faire remarquer doit avoir un symbole pour que les électeurs les reconnaissent lors du vote. Si les partis historiques ont même plusieurs symboles comme le Shiv Sena qui pour emblème tigre mais aux urnes le symbole de l’arc avec une flèche, certains ont des symboles moins connus. Le NCP met à la fois le symbole du Congress national : la main et son symbole aux urnes, le réveil. Le symbole du BJP est une fleur de lotus. Pour le MNS c’est une locomotive. Ne me demandez pas qui attribue les signes parfois ridicule je ne sais pas, mais juste avant les élections, les candidats indépendants ont réclamé l’attribution de leur signe ce qui constituait un énorme enjeu car ça retardait leur campagne.

Un registre doit aussi être signé à la fin du vote pour tous, les illettrés ne sachant pas écrire leur prénom et n’ayant pas de signature (ici je vous assure qu’on ne rigole pas avec les signatures et il n’est pas question d’avoir un gribouillis) signent par leur emprunte digitale avec de l’encre.


Engagement

Bizarrement, et surement grâce à cet aspect interactif et près du peuple de la politique locale j’ai eu l’impression que les indiens étaient tout de même généralement plus politisés que les français au sens du militantisme. Par contre ils parlent beaucoup moins politique que nous entre eux, et cela semble même être un « secret ». Comme Gayatri me l’a dit « on ne doit pas dire pour qui on vote ». Peut être cela vient-il du fait qu’ils sont tout juste un pays démocratique et que la politique est encore trop sacralisée pour en parler comme on le ferait en France. Même s’ils en parlent apparemment au sein de leur famille. Cependant même s’ils sont politisés ils sont également très blasés et conscient que la corruption freine de vraies prises de décisions. Les secondes stars en politique ici sont aussi importantes que les politiciens, se sont les activistes citoyens comme Anna Hazare qui font autant de bruit que les membres du gouvernement.

A la fin de la journée Vishnou m’avoue qu’on se préoccupe peu des statistiques qu’on a relevé toute la journée, de toute façon les résultats finaux sont ceux qui comptent.


Résultat:

Les voici donc : 46% de participation, vainqueur et majorité au Shiv Sena avec cependant trois postes de moins qu’aux élections précédentes. Deuxième partie étant le BJP qui fait alliance avec le Shiv Sena. Le candidat indépendant de Colaba a été élu

http://afternoondc.in/Thumbnails.aspx?Filename=201231303154.jpg&w=340&h=226

Le Maire:

L’élection du maire qui a un rôle plus symbolique que décisionnel, fut tenue le vendredi 9février et les candidats en lice étaient Sunil Prabhu (un partisan de longue date du Shiv Sena qui était « leader of house » précédemment) avec le candidat du BJP Mohan Mitbaokar pour le poste de Dy Mayor (Adjoint au Maire) car le parti a fait alliance avec le Shiv Sena. Pour  l’opposition, le Congress a proposé Sunil More au poste de maire et son allié le NCP, Khan Haroon Yusuf au poste de Dy Mayor.  Tous les candidats au poste devaient aller remplir un formulaire pour se déclarer candidat au début de la semaine précédent le vote. J’ai pu par exemple voir les élus et membres du Shiv Sena se diriger ensemble autour du candidat vers le lieu où il faut s’enregistrer  en criant des chants à la gloire de leur parti.

Les councillors se sont rassemblés le vendredi dans la grande salle de réunion, le maire sortant (une femme) a présenté les règles du vote puis les élus ont du voter à main levée pour leur candidat et réaffirmer tour à tour leur soutien au micro. Les élus du Shiv Sena et du BJP étaient venus avec le turban marathe de couleur orange et tous les élus portaient les couleurs de leur parti sur une écharpe autour du coup. Quelques interventions de députés ont entrainé un gros brouhaha et des cris notamment contre la sortie d'un commissionner pendant le vote ou contre des élus indépendants qui soutenaient au final le candidat du Shiv Sena mais à part ça tout s'est déroulé calmement. Sunil Prabhu fut élu maire, Rahul Shewale président du Standing Committee qu'il présidait déjà lors du précédent mandat et le candidat du BJP fut élu au poste d'adjoint au maire. Les bruits des tambours résonnaient déjà dehors, les militants étaient dans la rue en face du BMC pour accueillir leur nouveau maire avec les drapeaux de la coalition Shiv Sena-BJP-RPI

 

Publié dans Culture et société

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