Devenir « une habituée », transformation accomplie

Publié le par ind'épendante

Il est donc environ 15h et comme il commence à faire vraiment trop chaud nous faisons une pause. On va, on vient, au moins 10 ou 20 fois, avec ou sans tongs et duppattas, selon que nous franchissions le pas de l’enceinte sacrée ou non. Le complexe nous est bien plus familier désormais et on y imagine presque une routine. Je passe par le stand Nescafé que je découvre seulement à ce moment là, et je prends des nouilles pour M. (son surnom). On trouve vraiment de tout dans un périmètre pourtant restreint. Je retourne à la chambre, elle fait la sieste alors j’en profite pour continuer mon journal de bord. Je retourne encore au stand pour cette fois prendre une boisson fraîche de la compagnie coca (du Limcea), le stock vient à peine d’arriver je suppose et les gens se battent presque. Je m’extirpe facilement et j’achète également deux barres chocolatées pour la route, il faut dire qu’on a mangé tôt et peu et que la faim commence à se faire sentir.

 

Vers 16h on décide de se rendre utile. Comme nous avons donné de l’argent pour manger à la cantine mais que nous n’avons pas encore mis la main à la pâte, nous décidons d’aller aider les femmes à faire les chapatis (pain indien). Le vacarme des assiettes est constant, même à cette heure-ci. Nous allons dans l’arrière cour pour y trouver les femmes, assises autour de nappes sur lesquelles se trouvent de la farine et des tas de pâte. On commence par faire des boules (comme Navinder m’avait montré à Mumbai lorsqu’il nous avait appris à cuisiner indien), et d’autres les étalent en forme circulaire au rouleau, enfin d’autres s’occupent de la cuisson. Ensuite nous voulons aussi nous essayer au rouleau et j’ai perdu un peu la main. Mais les femmes, assez amusées de nous voir là, nous donnent bien volontiers des conseils et nous montre comme mieux réussir nos chapatis. On finit par passer notre tour au bout d’une grosse demi heure car le rythme avance bien et qu’il commence à y avoir assez de nourriture pour le moment, pas la peine d’être trop nombreuses donc.

 

On s’arrête une fois de plus aux stands prendre un Ice Tea et un café. Un mec tente de voler celui de M. mais le vendeur ne l’entend pas de cette oreille et le chasse en brandissant son balai, l’air menaçant. Il me voit alors l’observer dans sa manœuvre et nous rions de bon cœur. On passe une fois de plus à l’intérieur de l’enceinte sacrée et faisons le tour sous les alcôves pour profiter du coucher de soleil, une petite fille qui semble perdue dans ses pensées m’attrape la main, croyant que j’étais sa maman. Celle-ci juste derrière la voie et rigole, moi aussi, la petite elle fait une tête toute étonnée en levant les yeux, mais pas effrayée pour autant. M. ne se sent pas très bien elle retourne donc à la chambre.

 

Pour ma part j’en profite pour aller dévaliser mes derniers magasins histoire de compléter le stock de souvenirs à ramener. Les prix sont tellement bas parfois que je ne négocie même pas ou presque selon les commerçants. J’achète des porte-clefs, des bracelets, deux Kada (le bracelet sikh) et une dague pour enfin offrir plus qu’un coupe-papier à mon frère. (Je n’achète pas une épée non plus parce que je me vois mal voyager avec ça, que ce soit dans le train ou ensuite dans l’avion pour rentrer en France). Un vendeur me dit que mon hindi est bon (je suis super fière !), ça compensera le fait que M. par contre trouve que j’ai l’accent français en anglais (quel désastre !). Je finis par passer par le marché pour prendre des fruits pour le trajet en train et réalise que je n’ai rien acheté pour moi dans cette ville (comme si cette philosophie du don m’avait influencée). Il ne me restera donc que les souvenirs indélébiles.

 

Le plus beau est d’ailleurs à venir, en rentrant le temple est illuminé de nuit, il irradie ! Je m’y rends pour prendre des photos et c’est le moment de la fin de la prière. Des milliers de fidèles, debout, sur les quatre rives faisant face au temple, chantent et s’agenouillent en même temps… puis se dispersent. J’assiste à quelques secondes de foi puissante et de communion, dans un lieu où ces milliers de gens sont tous venus converger pour s’unir autour du temple qui ressemble en cette nuit à un phare. Ça doit faire le même effet que de surplomber la Mecque à l’heure de la prière ou le Vatican le jour de Pâques, la beauté du temple en plus.

 

La nuit s’adoucit, le vent vient apaiser les corps, je savoure mes dernières heures dans un complexe qui me parait désormais familier et accueillant. Un lieu où la paix règne et le système de partage et de don fonctionne. Je fais mes valises, enchaîne sur une partie de UNO avec M. puis nous allons prendre un dernier repas à la cantine (voir si nos chapatis sont bons), et il y a toujours foule bien que nous ayons attendu qu’il soit 21h30. Les gens poussent pour avoir les assiettes (ça a beau être le temple du partage, on reste quand même en Inde je vous le rappelle, certaines choses sont les mêmes dans tout le pays !). J’essaye de filmer cette fois pour garder le souvenir de ma première entrée en image. On s’assoit et coïncidence je tombe sur la femme dont la dupatta s’est accrochée à moi en entrant dans le temple quelques heures plus tôt. Il faut le faire avec les milliers de gens qui sont là. Le repas est toujours aussi bon et je n’en perds pas une miette bien que je sois rassasiée. En sortant un sikh nous débarrasse de nos bols et assiettes avec un air super sérieux. Il fait ça pour nous faciliter la tâche et je fais alors le rapprochement avec tous les moments étranges où je ne savais pas si les sikhs étaient en colère ou voulaient m’aider. Ils sont simplement très serviables mais ont l’air hyper fermés. C’est assez perturbant. Les assiettes volent littéralement entre les mains des gens qui les débarrassent, ça ressemble à un ballet, c’est presque beau.

 

Dernier retour à la chambre, de nouveaux pèlerins ont fait leur nid pour la nuit, j’attends que la douche se libère puis nous faisons un dernier UNO et on discute pour finir par trouver le sommeil vers 00h30. Le lendemain très tôt je pars en disant au revoir à M. qui se rendort de suite.  Au revoir cité magique, un dernier geste amical des Penjabis qui discutent décidemment toujours avec les étrangers. On me fait monter dans la navette (spécialement là pour conduire les visiteurs à la gare) par la porte du chauffeur, histoire que je puisse être assise. Et vu les bousculades et sachant que je ne pouvais pas rater cette navette, j’accepte avec plaisir cette petite feinte. 15minutes plus tard je suis à la gare, un monsieur me fait un peu la conversation, puis j’achète des palmiers petit cœur pour la route et voila le train qui arrive à 7h45 pour un départ à l’heure (8h10), je suis agréablement surprise !

 

Au revoir Amritsar, les vacances, le Penjab et bientôt l’Inde !


Le voyage se passe agréablement, je suis habituée à la chaleur désormais et au temps qui file lentement. J’écris, je lis, je regarde les photos du voyage, la famille en face est adorable et partage avec moi des biscuits apéritifs. Le garçon fait attention à ce que je sois à l’aise, il me débarrasse à chaque fois que j’ai des choses à jeter (Mais moi je ne veux pas qu’il les lance par les fenêtres !!!!) et il s’assure toujours que j’ai assez de place sur la banquette. Je règle les derniers détails de mon retour à Mumbai et je teste enfin la nourriture des trains : riz, dhal, paneer et chapati. Pas excellent mais pas mauvais non plus pour seulement 60rs. Meilleure nuit de l’année dans un train ! À part quelques réveils naturels et le froid dans la matinée que j’ai su parer tout était parfait ! J’ai même fait de beaux rêves ! Je pense qu’être capable de passer une bonne nuit dans un train, c’est l’aboutissement d’un an pour s’intégrer, et ça me fait rire. Je somnole même jusqu’à 11h ! C’est carrément la grasse matinée ! Je prends ensuite un petit chai avec des biscuits comme petit déj et j’achète un sandwich pour aller avec mes chips.

J’ai acquis mes petites habitudes, comme si le train était une maison de location dans laquelle j’avais mes habitudes tous les étés. Tout est en ordre ! Dans quatre heures je serai à la maison… enfin l’une d’entre elles.


La boucle est bouclée

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