Hommage à une fidèle de Lord Krishna

Publié le par ind'épendante

J’arrive à la gare avec 1h30 d’avance, les indiens sont tous assis par terre et je me rappelle qu’au lieu de me joindre à eux sur le sol poussiéreux et sale de la gare j’avais également l’option d’aller boire un verre dans le restaurant pour disposer d’une chaise. Je prends donc un coca à la machine… Erreur ! Il est infect et je ne tente pas le diable. Je ressors trente minutes avant l’heure pour ne toujours pas voir mon train affiché. Je me dirige alors vers le guichet des demandes pour apprendre comme je le craignais que mon train serait en retard. Il est désormais annoncé pour 2h30 du matin ! (à la base 22h30). Décidemment, Kolkata et la ponctualité ça fait deux. Même si c’est un bon entrainement pour mon train du lendemain qui est à 1h je me serai bien passé de cette attente.

Un homme m’aide à trouver la salle d’attente pour la deuxième classe réservée aux femmes mais je m’en débarrasse vite. C’est fou comme la paranoïa s’installe vite quand je sais que je voyage seule. Tout devient suspect parce que je suis une potentielle cible. Malgré les ventilateurs la chaleur est assommante et les femmes dorment déjà toutes par terre sur leur grand drap qui les « protège » de la poussière. Je me mets dans un coin sur un banc et sort mon carnet de bord. Les femmes me fixent. L’une d’elle vient me demander d’où je viens et je réponds pensant que la conversation s’arrêterait là (nous sommes en 2ème classe, peu de monde parle l’anglais). Mais pas du tout, cette jeune femme de 32ans est professeur des écoles et a un bon niveau d’anglais. On parle beaucoup mais je reste sur mes gardes ce qui m’énerve moi-même. Je m’attache à surveiller toutes les informations que je divulgue quitte à mentir « oui je connais des gens là ou je vais » « j’ai peu d’argent pour voyager »…

Elle vient de Gaya District (là où je vais) et est apparemment dans une mauvaise passe financière. Ancienne prof à Gaya elle est venue à Kolkata puis a travaillé dans un call centre pendant 3mois pour finalement essuyer une série de licenciement dont elle ne comprend pas la cause. Elle est donc venue dormir ce soir à la gare et elle compte démarcher demain des écoles et des métiers liés à la communication car elle adore parler. Elle connait Mumbai car sa sœur vit à Pune et ça me fait du bien de parler de « chez moi ». Je me rends compte alors que dans ce voyage Mumbai est devenu ce que la France était à mon arrivée en Inde. Mon repère, ma maison, ce lieu lointain dont j’aime parler et où je veux, in fine, revenir. Elle continue par m’expliquer qu’elle n’est pas mariée mais je ne comprends pas si c’est dans ses projets. Son frère lui enseigne à Patna et son père à la retraite est malade à 70ans, sa mère elle est morte si j’ai bien compris. Rien de très réjouissant d’autant que je n’ai pas de contact à Kolkata pour l’aider dans sa recherche. Je lui promets cependant de prier pour elle à Bodhgaya si elle le veut bien. Elle semble touchée et me dit que ça serait vraiment gentil de ma part.

Elle m’explique alors qu’elle est une fidèle de Krishna pour qui il y a d’ailleurs un temple à Mumbai (l’Iskon Temple à Juhu que je n’ai par ailleurs jamais visité malgré le fait que je sois passé devant les panneaux indiquant sa direction tous les jours lors de mon premier stage). Selon les préceptes, peu importe si les temps sont difficiles tant que Dieu est avec elle c’est l’essentiel.

Elle finit par avoir mal à la tête et on dirait qu’elle va pleurer. Elle me dit qu’elle n’aime pas les femmes du dortoir, qu’elles ne sont pas accueillantes. Elle se demande comment je fais pour voyager seule (Et moi aussi d’ailleurs). Elle va s’allonger sur la table d’en face pour finalement dormir. Les lumières sont éteintes, il fait presque noir dans la pièce et je me retrouve à écrire à la lumière de mon portable avec pour seule compagnie les ronflements des femmes endormies.

Je glisse sous son bras avant de partir un carnet identique à mon journal de bord (un livre rouge donné par le Dalaï lama à mes amies parisiennes lors de leur visite à Dharamshala) avec mon mail et un petit mot, espérant qu’un jour elle puisse m’écrire qu’elle l’a bien trouvé à son réveil, et qu’elle sache aussi bien lire l’anglais que le parler.

Une belle rencontre de plus, entre l’éphémère d’une rencontre et le souvenir ineffaçable de la générosité et de la simplicité de ces gens si pauvres qui m’ont rendue si riche.

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